Archive : Image du mois d’octobre 2025

Cette vignette représente un groupe de Gaulois aux cheveux longs, torses nus, brandissant lances, haches et épées dans un élan guerrier. Elle illustre la première leçon « Les Gaulois : leurs origines, leurs mœurs, leurs coutumes, leur religion » du manuel d’E. Brouard, Leçons d’histoire de France à l’usage des écoles primaires. Cours moyen, publié en 1880 chez Hachette et réédité à plusieurs reprises.
Cette leçon aborde la « nation gauloise » : sa formation progressive sur le territoire français et sa composition en différents peuples à l’époque de Jules César. E. Brouard livre l’image d’hommes « hardis, prompts à s’emporter, enclins à se vanter » mais aussi « bons, généreux, hospitaliers et braves à la guerre ». Ces Gaulois vivent dans des cavernes ou des « villes lacustres », apprécient les festins de viandes rôties ou bouillies arrosées d’hydromel ou accompagnées de vins d’Italie ou de Marseille, portent des braies, saies et tuniques bariolées et s’adonnent à des sacrifices humains sous la conduite des druides. Enfin, la leçon n’oublie pas de préciser que les Gaulois ont les yeux bleus et les cheveux blonds.
Ce portrait des Gaulois s’inspire en partie de l’image diffusée par l’historiographie moderne, notamment par Amédée Thierry dans son Histoire des Gaulois publiée en 1828, elle-même nourrie des sources grecques et latines. En effet, les Gaulois n’ont pas écrit leur histoire. Le principal témoignage, celui de La guerre des Gaules de Jules César, reste celui d’un conquérant. Avant lui, les Grecs Hécatée de Milet (550-475), Pythéas (IVe av. J.-C.), Timée de Sicile (356-260) et Posidonios (135-60) ont livré des descriptions de cette civilisation comportant des traits caricaturaux, dont certains sont relayés par d’autres auteurs (Platon, Aristote, Cicéron).
Cette leçon se nourrit aussi de quelques éléments archéologiques, notamment par la présentation de l’armement gaulois, par la mention des tombes des chefs, tumulus « que nous rencontrons encore dans nos campagnes » et, de façon erronée, par l’évocation des menhirs, dolmens et cromlechs qualifiés de monuments druidiques.
Au XIXe siècle, l’archéologie nationale se développe sous l’action des sociétés savantes locales d’abord, puis d’initiatives de l’État. Alésia et divers oppida dont celui de Bibracte sont ainsi fouillés par la Commission de topographie des Gaules créée en 1858. En 1859, la communauté scientifique reconnaît la haute antiquité de l’homme qui ouvre la voie à la science préhistorique tandis que la protohistoire nationale commence à s’esquisser. En 1862, Napoléon III crée un musée d’archéologie dédié à l’histoire nationale, aujourd’hui Musée d’archéologie nationale, comprenant à son ouverture en 1867 un parcours de la Préhistoire aux Mérovingiens. Dans cette dynamique, l’étude des mégalithes, longtemps attachés à des légendes et croyances religieuses, mystiques ou poétiques, se renouvelle sur des bases plus rationnelles. Cependant, ce n’est que dans la deuxième moitié du XXe siècle que le phénomène mégalithique d’Europe occidentale est mieux appréhendé dans sa complexité et dans sa datation (Ve-IIe millénaire).

Le contenu de la leçon de 1880 est enfin un reflet de la vision idéologique et politique française et européenne de la deuxième moitié du XIXe siècle caractérisée par la montée en puissance du sentiment et des identités nationales. E. Brouard n’hésite pas à utiliser le terme de « nation gauloise », une nation partagée en trois classes (prêtres, nobles ou chevaliers et hommes libres) et reposant sur l’esclavage. Dans ce contexte de construction des nations européennes, l’histoire des origines de la France revêt une grande importance et se doit d’être enseignée. En 1871, l’Instruction relative à l’organisation pédagogique des écoles primaires publiques exige que les élèves étudient en première année la Gaule. En 1882, les programmes renforcent encore la présence des Gaulois.
L’imaginaire gaulois, véhiculé par ce manuel et de nombreux autres de la IIIe République, a été fortement entretenu tout au long du XXe siècle par la littérature enfantine et populaire, par la publicité et continue aujourd’hui d’alimenter certaines vulgarisations historiques et discours politiques. Les recherches en anthropologie sociale et en archéologie de ces trente dernières années permettent pourtant désormais d’esquisser un portrait nuancé et multiforme des Gaulois.
Du 9 au 12 octobre 2025, les Rendez-vous d’histoire de Blois se tiennent autour de la thématique « La France ? ». Comme chaque année, une carte blanche est accordée à la BnF qui comprend 4 interventions vendredi 10 octobre :
- La French touch : L’histoire d’un moment artistique vidéoludique? / 11 h 30 – 12 h 15
- Enseigner l’histoire de France sous la IIIe République : la collection de manuels d’enseignement primaire de la BnF /13 h30 – 14 h 15
- Que nous dit le Tour de la France ? Étude des représentations médiatiques du Tour de France cycliste (1930-1970) / 14 h 45 – 15 h 30
- Un patrimoine industriel français : le textile dans les Vosges /16 h – 16 h 45
Gilles Pécout, président de la BnF, prononcera la conférence inaugurale : “Ce que dit la Bibliothèque nationale du rapport de la France au monde” (vendredi 10 octobre 10 h – 12 h).
Pour aller plus loin :
- Dominique Garcia, On ne naît pas Gaulois, on le devient : les données de l’archéologie, conférence donnée à la BnF le 1er février 2023
- Dominique Garcia et Jérémy Perrodeau (illustrations), Les Gaulois, Paris, CNRS Éditions, 2021.
- Jean-Louis Brunaux, Nos ancêtres les Gaulois, Paris, Points, 2015.
- Jean-Pierre Mohen, Les Mégalithes. Pierres de mémoire, Paris, Gallimard, 1998.
- Pauline Darleguy (1 avril 2022). “Ernest Lavisse et l’enseignement de l’Antiquité de la France”. L’Antiquité à la BnF.
- Découvrez les manuels scolaires de la IIIe République à travers le parcours Gallica L’éducation et l’école en France
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Pauline Darleguy (1 novembre 2025). La nation gauloise. L’Antiquité à la BnF. Consulté le 18 novembre 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/152qx
Bien plus qu’un excellent commentaire d’une image emblématique: une analyse documentée. Merci beaucoup.