Le pressé d’antique 6: les dindons numismates

Dans la série “Pressé d’Antique”, retrouvez les bons mots, anecdotes insolites et dessins humoristiques où les découvertes, savants et idées reçues sont moqués dans une presse déchaînée… L’Antiquité à la BnF retranscrit pour vous les pépites numérisées sur Gallica & Retronews.

Dans la rubrique “choses vraies” du numéro 378 de la Jeunesse illustrée du 22 mai 1910 est narrée une recette cocasse de vieillissement pour fabriquer une patine donnant l’illusion fausse d’une monnaie antique. En raison de la petite taille fréquente de ces objets, les anecdotes abondent sur leur passage par des voies naturelles à des fins multiples: falsification, transport en toute discrétion ou encore (re)découverte par les maîtres des artefacts restitués par leur animal…

L’équipe de L’Antiquité à la BnF en profite pour faire un clin d’oeil de voeux de bonne année 2025 à ses collègues et contributeurs numismates, dindons ou non!

DINDONS NUMISMATES

Il devient aujourd’hui très risqué de vouloir collectionner des objets
d’art ancien, car l’amateur risque fort, qu’il s’agisse de meubles ou de
tableaux, d’acquérir le plus souvent, une commode de style sortie du
faubourg Saint-Antoine, ou une toile de maître fabriquée dans les ateliers de Montmartre. Il faut ajouter que meubles et tableaux sont préalablement patinés et maquillés avec une habileté qui touche à l’art.

Rien n’échappe au truquage et partout et toujours il faut s’en méfier;
la célèbre tiare de Saïtapharnès1 dont furent victimes nos plus autorisés experts en est un exemple encore présent à la mémoire.
Il n’est pas jusqu’aux médailles ou monnaies que l’on vend aux touristes, sur l’emplacement où on les découvrit, qui ne soient elles-mêmes des faux! Il existe aux environs de Rome deux fermes où se fait en grand la fabrication des vieilles médailles.
Singulière production agricole, dira-t-on. Les gens qui se livrent à cette industrie bizarre font avaler par des dindons des monnaies ou des médailles grossières frappées à l’effigie de Tibère, Caligula ou autres Césars.
Après avoir conservé pendant quelque temps dans leur corps les
petits disques de métal, les dindons les rendent couverts d’une remarquable patine! Si cette patine n’était que le résultat du voyage gastro-intestinal, il serait aisé d’y suppléer en traitant par exemple les monnaies à vieillir par l’acide chlorhydrique dilué. Mais l’action des petites pierres contenues dans le gésier des dindons, en effaçant à demi et en estompant les traits trop durs de l’empreinte, vient en aide à l’action purement chimique du suc gastrique.
Il est fort à craindre que certaines pièces de nos collections n’aient été obtenues par ce curieux procédé.

[l’article n’est pas signé]

Lire également:

Venir voir, regarder:

image mise en avant; illustration accompagnant l’article en p. 3

  1. Thibaut Castelli, « Saïtapharnès et sa fausse tiare dans la culture française de la Belle Époque »Anabases 37, 2023, p. 51-70 en ligne sur openedition. []

OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Vanessa Desclaux (24 janvier 2025). Le pressé d’antique 6: les dindons numismates. L’Antiquité à la BnF. Consulté le 11 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/135un


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