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Le 13 novembre dernier, Gladiator II est apparu au cinéma. Le péplum de Ridley Scott fait, depuis, l’objet de divers articles soulignant ses manquements historiques et ses libertés prises avec la réalité. Ce billet a pour objectif d’y contribuer en s’intéressant au traitement de la matière première, c’est-à-dire, les sources contemporaines de l’époque étudiée. La monnaie, en particulier, constitue un outil précieux : objet du quotidien, elle joue un rôle matériel dans les échanges économiques, mais également politique en diffusant le portrait impérial et un message idéologique au revers.

Acquis en 1905 par le cabinet des Médailles de la BnF au marchand munichois J. Hirsch par l’intermédiaire de L. Schneider, cet aureus de l’empereur Macrin provient du trésor de Karnak, découvert dans la ville éponyme entre 1901 et 1902. Ce trésor contenait entre 1200 et 1800 monnaies d’or, ainsi que plus de 7 kg d’argent, et fut enfoui en 218 ap. J.-C.
Cette monnaie représente au droit le portrait lauré, drapé et cuirassé de l’empereur vu de trois-quarts en arrière, accompagné de sa titulature IMP C M OPEL SEV – MACRINVS AVG. Au revers apparaît Aequitas (la personnification de l’équité) debout à gauche, drapée, tenant de la main droite une balance et du bras gauche une corne d’abondance, accompagnée de la légende AEQVITAS · AVG.
Macrin : un règne éphémère
Macrin, né vers 164 à Césarée de Maurétanie, d’origine maure et issu d’une famille inconnue, débute sa carrière comme avocat. Il administre ensuite la fortune de Plautien1 jusqu’en 205, avant d’être affecté au service des véhicules qui parcourent la voie Flaminia. Il reçoit de l’empereur Caracalla quelques titres de procurateur2 de courte durée avant d’être nommé préfet du prétoire en 212.
En pleine campagne militaire contre les Parthes, Caracalla est assassiné le 8 avril 217. Face à la menace, les soldats proclament Macrin empereur le 11 avril. Il associe rapidement au pouvoir son fils de huit ans, Diaduménien, en le faisant nommer César.
Premier empereur d’origine maure et de rang équestre, son court règne de 14 mois fut marqué par de nombreux défis : la poursuite de la guerre contre les Parthes, la gestion des relations avec les Sévères, le rétablissement des finances publiques épuisées par Caracalla, la mise en place de réformes administratives et la consolidation de sa légitimité auprès des soldats, du Sénat, des provinces et du peuple romain.
Macrin a adopté une politique d’apaisement, concluant une paix avec les Parthes au printemps 218, et a cherché à regagner la confiance des sénateurs persécutés sous Caracalla en leur promettant le retour de l’équité (comme représenté sur le revers de l’aureus). Accusé à tort par certains anciens auteurs de s’être comporté comme un empereur peu digne et cruel, ses vertus furent saluées par Dion Cassius (LXXVIII, 11-3) qui l’appréciait pourtant très peu.
Cependant, Macrin tenait toute la stabilité de sa position de ses soldats, qui l’avaient proclamé empereur. Isolé en Orient et n’ayant jamais régné depuis Rome, il concentre ses efforts sur la sécurisation de sa position parmi les soldats. Il se rattache alors symboliquement à la dynastie sévérienne (à laquelle les soldats étaient fidèles) et autorise les princesses sévériennes (Julia Maesa, Julia Mamaea et Julia Soemias) à partir avec leurs biens pour Émèse. Macrin se représentait également en tant que soldat et général (comme représenté à l’avers de l’aureus).
Son choix de réduire la solde des nouvelles recrues provoque le mécontentement des troupes, déjà méfiantes. Profitant de cette instabilité, les princesses d’Émèse propagent la rumeur qu’un fils illégitime de Caracalla, Élagabale, âgé de 14 ans, était l’héritier légitime. Une partie des soldats, restés fidèles à Caracalla, reconnaissent Élagabale comme empereur le 16 mai 218.
L’insurrection prend de l’ampleur jusqu’à ce qu’une bataille décisive se joue le 8 juin 218 et signe la défaite de Macrin et de son fils qui furent assassinés quelques semaines plus tard, après que Macrin ait tenté de rejoindre la capitale où il était soutenu par le peuple et le sénat.
Macrin subit la condamnation de sa mémoire après sa mort, sur ordre d’Élagabale, ce qui a contribué à laisser une image négative de son règne pour les siècles suivants.
Macrin à Hollywood
Le personnage historique de Macrin a été repris au cinéma dans le péplum Gladiator II. Présenté comme un marchand d’esclaves originaire de Thysdrus et ancien esclave, il est montré arborant des bijoux d’un luxe ostentatoire. Tout au long du film, il apparaît comme un dominateur opportuniste et cruel, avide de pouvoir. Peu scrupuleux, il est prêt à tout pour atteindre ses objectifs et n’hésite pas à manipuler ceux qui l’entourent, notamment Lucius et Caracalla, afin d’éliminer un à un ses adversaires.
Après avoir été nommé consul par Caracalla (ce qui, en réalité, n’a jamais eu lieu), Macrin se révèle : il se montre comme un tyran impitoyable, décidé à écraser les sénateurs et à assoir son pouvoir de manière despotique.

Dans son film, Ridley Scott ré-interprète entièrement la vie et la personnalité de Macrin. La seule réalité historique qu’il conserve est l’ascension fulgurante de ce dernier, évoluant d’un milieu modeste jusqu’au sommet du pouvoir. Il accentue cette trajectoire exceptionnelle en évoquant une origine de gladiateur attribuée à Macrin par l’Histoire Auguste (IV-5), une source dont la fiabilité est largement remise en question. Ainsi, R. Scott se limite à reprendre le cadre général de la vie de Macrin – ses origines modestes et son ascension rapide – tout en adaptant son caractère pour correspondre à une vision idéalisée et fantasmée de l’Empire romain.
Pour en savoir plus :
SCOTT, Andrew G., Change and discontinuity within the Severan dynasty: the case of Macrinus, Dissertation, Graduate School-New Brunswick, 2008 En ligne
MARASCO, Gabriele, « L’idéologie impériale de Macrin », REA, 98 / 1, 1996, p. 187‑195 En ligne
SALZMANN, Dieter, « Die Bildnisse des Macrinus », JdI, 98, 1983, p. 351‑381.
VARNER, Eric, Mutilation and Transformation: Damnatio Memoriae and Roman Imperial Portraiture, Leyde, Monumenta grace et romana, Brill, 2004.
- F. Plautien est une personnalité de premier plan durant le règne de Septime Sévère. Préfet du prétoire, il occupe la position de bras droit de l’empereur. Il dirige la garde rapprochée de ce dernier tout en gérant également les affaires administratives. Il fut assassiné en 205 par ordre de Septime Sévère, après avoir été surpris à comploter contre l’empereur. [↩]
- Titre de certains fonctionnaires romains, délégués par l’empereur à la tête de certains services ou comme gouverneurs de provinces impériales. [↩]
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Baptiste DUPEYRÉ (1 février 2025). L’empereur Macrin : de la BnF à Hollywood. L’Antiquité à la BnF. Consulté le 12 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/1380m