Archive : Image du mois d’octobre 2024

Cette Une du 15 octobre 1899 du quotidien Le Petit Marseillais annonce et décrit l’une des principales manifestations du jour proposées dans le cadre des festivités organisées, du 14 au 22 octobre 1899, par la ville de Marseille pour célébrer les 2 500 ans de sa fondation : la reconstitution de « l’arrivée des premiers Marseillais ».

 « Les Phocéens […] arriveront avec leur flottille dans le Port-Vieux et débarqueront sur le quai de la Fraternité […]. […]. La flottille […] comprend 4 navires : trois pentécontères et une dière. »

Les pentécontères sont des bateaux grecs de 50 rameurs pour la guerre et les navigations lointaines “dont on a pu grâce aux indications de M. Clerc, directeur du Musée Borély, reconstituer le caractère”.

Au XIX^e siècle, la connaissance de l’histoire de Marseille, notamment sa fondation et sa ville antique, est encore essentiellement littéraire : des auteurs comme Aristote (384-322), Trogue-Pompée (I^er siècle av. J.-C.) transmis par Justin (III^e ou IV^e siècle ap. J.-C.), relaient le mythe fondateur de Massalia : l’union de la princesse ligure Gyptis au marin phocéen Protis, d’autres tels que Strabon (v. 63 av. J.-C.-25 ap. J.-C.) livrent davantage d’ informations sur les édifices et le tissu urbain de la ville. “Ville antique sans antiquités”, en raison de l’absence de vestiges monumentaux apparents, Marseille se dote en 1863 d’un musée archéologique installée au château Borély. C’est à la fin du siècle, après les travaux d’aménagement du Second Empire peu suivis et documentés archéologiquement, que se mettent en place les débuts d’une archéologie scientifique notamment avec Gaston Vasseur (1855-1915), géologue et Michel Clerc (1857-1931), directeur du musée archéologique (1895 -1929) : analyse stratigraphique des vestiges et objets exhumés, confrontation des données archéologiques aux textes. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la reconstruction s’accompagne de fouilles archéologiques sous la conduite de Fernand Benoit (1892-1969), puis en 1967 s’ouvre le fameux chantier de la Bourse, première grande fouille urbaine à l’échelle nationale, qui met au jour une nécropole grecque, un segment de rempart du II^e siècle av. J.-C. et le port romain. À partir des années 1980, les chantiers s’enchaînent au gré de travaux d’aménagements, tout d’abord dans le Panier puis dans d’autres quartiers, sur des surfaces plus ou moins importantes, permettant jusqu’à aujourd’hui de mieux comprendre progressivement la ville moderne, médiévale, antique et sa fondation. En parallèle de ces fouilles urbaines, les fouilles sous-marines effectuées dès les années 1950 et les fouilles dans les campagnes environnant le site de Marseille dès le début du XX^e siècle complètent les connaissances sur l’histoire de Marseille et son territoire.

L’archéologie confirme la fondation d’un emporium, comptoir commercial, vers 600 av. J.-C. dans la calanque du Lacydon par des marins partis de Phocée en Asie Mineure (aujourd’hui Foça en Turquie), dans le contexte général de la colonisation grecque débutée au VIII^e siècle en Sicile et en Italie du Sud. Elle montre que cette installation se fait dans un terrain vierge bordé de marécages tandis que les environs sont occupés par des populations indigènes ligures regroupées dans des oppida, sites d’habitats de hauteur fortifiés.

Le comptoir phocéen, paré rapidement d’un rempart, devient progressivement une véritable cité grecque notamment à partir de 546, lorsque, après la chute de Phocée prise par les Perses, un nouvel afflux de Phocéens arrive. La cité agrandit son territoire, au détriment des populations indigènes avec lesquelles les relations ne sont pas toujours apaisées, et joue pendant des siècles un rôle important dans les échanges entre la Méditerranée et les régions septentrionales de la Gaule.

Lors de la fouille de l’Alcazar (1999-2001) dirigée par Marc Bouiron, a notamment été mis au jour un bloc de pierre, issu du démantèlement, pendant l’Antiquité, d’un monument grec, recouvert de graffitis. Parmi ceux-ci, se trouvent deux pentécontères. Il pourrait s’agir selon les archéologues d’une représentation de la deuxième arrivée de Phocéens en 546 av. J.-C.

Marseille, dont les fouilles dans les années 1960 ont posé les bases de l’archéologie de sauvetage (puis préventive) en milieu urbain et ainsi joué un rôle important dans la naissance de l’archéologie urbaine, demeure aujourd’hui la plus vieille ville de France, la seule pouvant prétendre à 2 600 ans d’histoire urbaine.

Du 9 au 13 octobre 2024, la ville sera la thématique des 27^e Rendez-vous de l’Histoire de Blois auxquels comme chaque année participe la BnF avec une après-midi, vendredi 11 octobre, de 3 conférences.

Pour aller plus loin :

• Marc Bouiron, Philippe Mellinand et Henri Tréziny (dir.), Fouilles à Marseille. Approches de la ville antique (VI^e s. av.-VII^e s. apr. J.-C.), 2024
• Marc Bouiron, Philippe Mellinand, Quand les archéologues redécouvrent Marseille, 2013
• Marie-Pierre Rothé, Henri Tréziny, Marseille et ses alentours. Carte archéologique de la Gaule, n. s. 13,3, 2005
• Antoine Hermary, Antoinette Hesnard, Henri Tréziny, Marseille grecque, 600-49 av. J.-C : la cité phocéenne, 1999
• Musée d’histoire de Marseille

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